Lien entre microbiote, dysbiose et troubles thyroïdiens

Le lien entre le système nerveux central et le système nerveux entérique (notre bidon, ce deuxième cerveau) n’est plus à prouver. Mais saviez-vous que le lien entre notre ventre et notre thyroïde est aussi fondamental ? Les personnes que j’accompagne avec des troubles thyroïdiens ont très souvent également des troubles digestifs. En hyperthyroïdie de la diarrhée, en hypothyroïdie de la constipation (si l’on résume très vite). Ces troubles sont des conséquences directes de la pathologie thyroïdienne de la personne et des dysfonctionnements hormonaux engendrés.  

Mais aujourd’hui, la réflexion va encore plus loin et concerne notre microbiote intestinal. Ce terme désigne l’ensemble des microorganismes (bactéries, virus, champignons, protozoaires, etc.) ainsi que leurs gènes et les interactions qu’ils établissent avec leur hôte (c’est-à-dire nous). Le microbiote est essentiel à la digestion, l’absorption des nutriments, l’équilibre intestinal et la défense immunitaire. Mais il serait également en cause dans les dysfonctionnements thyroïdiens, et même certains cancers de la thyroïde et nodules thyroïdiens ! (1)

Pour les personnes atteintes de troubles thyroïdiens, qu’ils soient auto-immuns (comme la thyroïdite d’Hashimoto ou la maladie de Basedow) ou non, la compréhension et le soutien du microbiote intestinal sont essentiels. La santé intestinale est certes un pilier fondamental de la santé. Mais de récentes recherches que je vais vous présenter ont mis en lumière l’importance du microbiote intestinal dans le fonctionnement de la thyroïde. 

Relation entre microbiote intestinal et troubles thyroïdiens

Comprendre le lien entre le microbiote intestinal et la thyroïde (axe intestin-thyroïde) ouvre la voie à de nouvelles approches thérapeutiques pour traiter ou atténuer les troubles thyroïdiens. Je vous parle ci-dessous de deux études, mais il en existe un nombre considérable sur PubMed !

Une étude (2) a cherché à analyser le microbiote intestinal chez les patients atteints d’hypothyroïdie primaire (l’hypothyroïdie fruste est considérée comme une forme précoce ou légère d’hypothyroïdie primaire. Si elle n’est pas traitée, elle peut évoluer vers une hypothyroïdie franche).

Méthodes de cette étude :

  • 52 patients atteints d’hypothyroïdie primaire et 40 individus en bonne santé ont été recrutés.
  • Leurs microbiotes intestinaux ont été comparés grâce à une technologie de séquençage 16S rRNA.
  • Une transplantation de microbiote fécal (FMT) a été effectuée chez des souris, en utilisant la flore intestinale des deux groupes, pour évaluer l’impact sur leur fonction thyroïdienne (pauvres animaux !).

Résultats :

  • Les patients atteints d’hypothyroïdie primaire présentaient des différences significatives dans la diversité de leur microbiote intestinal par rapport aux individus en bonne santé.
  • Quatre types de bactéries (Veillonella, Paraprevotella, Neisseria et Rheinheimera) permettaient de distinguer ces patients des personnes saines avec une grande précision.
  • Les patients avaient une capacité réduite à produire des acides gras à chaîne courte (bénéfiques), ce qui augmentait les niveaux de lipopolysaccharides (LPS) dans le sang*.
  • Chez les souris ayant reçu un microbiote de patients, les niveaux de thyroxine totale (hormone thyroïdienne) étaient diminués.

L’article conclue que l’hypothyroïdie primaire provoque des modifications du microbiote intestinal, et qu’une flore altérée peut à son tour influencer la fonction thyroïdienne. Ces découvertes pourraient aider à mieux comprendre l’hypothyroïdie primaire et ouvrir la voie à des traitements probiotiques comme complément thérapeutique.

D’autres preuves récentes (3) montrent une relation étroite entre les AITDs (« Autoimmune Thyroid Diseases », soit « Maladies thyroïdiennes auto-immunes » en français) et le microbiome intestinal. Je vous résume l’article de manière compréhensible :

  1. Déséquilibre du microbiome intestinal et sévérité des AITDs :
    • Des études utilisant des analyses génétiques ont montré que les déséquilibres du microbiote sont liés à la gravité des AITDs.
    • Chez les animaux modèles, modifier le microbiote intestinal peut réduire ou aggraver les symptômes des AITDs.
  2. Mécanismes d’interaction :
    • Le microbiote agit sur le système immunitaire via des substances comme les acides gras à chaîne courte (SCFAs), les lipopolysaccharides (LPSs) et l’immunité au niveau des muqueuses intestinales.
    • Ces mécanismes influencent la différenciation des cellules T, clé dans la réponse immunitaire des AITDs.
  3. Relation bidirectionnelle intestin-thyroïde :
    • Les hormones thyroïdiennes influencent également le microbiote et le fonctionnement intestinal, créant un lien réciproque.
  4. Axes d’amélioration thérapeutique :
    • En modifiant le microbiote intestinal, il pourrait être possible de réduire la sévérité des AITDs.

*Les patients avaient du mal à produire des acides gras à chaîne courte, qui sont bénéfiques pour la santé, car ils aident à maintenir une bonne fonction intestinale et à réduire l’inflammation. À cause de cette difficulté, des molécules appelées lipopolysaccharides (LPS) s’accumulaient dans leur sang. Les LPS sont des substances qui proviennent de certaines bactéries dans l’intestin et, lorsqu’elles sont présentes en trop grande quantité dans le sang, elles peuvent provoquer de l’inflammation et des problèmes de santé.

Les relations entre le microbiote intestinal et les maladies thyroïdiennes
" Les relations entre le microbiote intestinal et ses métabolites avec les maladies thyroïdiennes " https://www.frontiersin.org/journals/endocrinology/articles/10.3389/fendo.2022.943408/full

Le microbiote intestinal : un acteur clé de la santé thyroïdienne

Le microbiote intestinal, constitué de trillions de micro-organismes, joue un rôle essentiel dans la digestion, la synthèse de vitamines et la modulation du système immunitaire et des fonctions métaboliques (4)

Il est désormais bien établi que ce microbiote influence également le métabolisme des hormones thyroïdiennes. En effet :

  • Une flore intestinale déséquilibrée peut altérer la conversion de la thyroxine (T4) en triiodothyronine (T3), la forme active de l’hormone thyroïdienne (5).
  • Dans les cas de troubles thyroïdiens auto-immuns, tels que Hashimoto ou Basedow, le système immunitaire attaque les cellules thyroïdiennes. Ce processus inflammatoire chronique peut être exacerbé par une dysbiose intestinale.
  • Une inflammation intestinale, provoquée par la dysbiose, peut se transformer en inflammation systémique, qui peut perturber davantage la fonction thyroïdienne. 
  • Les nutriments cofacteurs nécessaires à la santé thyroïdienne, comme le sélénium, le zinc, et le fer, seront moins bien absorbés s’il y a dysbiose.

Quelques conseils pour préserver un microbiote sain

Afin de maintenir un microbiote intestinal sain et de soutenir une fonction thyroïdienne optimale, il est recommandé de suivre les conseils suivants :

  1. Adopter une alimentation riche en fibres : Les fibres alimentaires favorisent la croissance de bactéries bénéfiques. Les aliments comme les légumes, les fruits, les légumineuses et les céréales complètes sont d’excellentes sources de fibres qui contribuent à nourrir le microbiote.
  2. Consommer des probiotiques et des prébiotiques : Les probiotiques, présents dans des aliments fermentés comme le yaourt, la choucroute et le kéfir, aident à restaurer la flore intestinale. Les prébiotiques, trouvés dans des aliments comme l’ail, les oignons et les bananes, nourrissent ces bonnes bactéries et soutiennent leur croissance.
  3. Éviter les antibiotiques non nécessaires : Les antibiotiques peuvent détruire les bonnes bactéries intestinales, entraînant une dysbiose. Il est important de les utiliser uniquement lorsqu’ils sont absolument nécessaires et sous supervision médicale.
  4. Réduire le stress : Le stress chronique peut altérer la composition du microbiote. Des techniques de gestion du stress comme le yoga, la méditation et la respiration profonde peuvent aider à réduire les effets du stress sur l’intestin et, par conséquent, sur la thyroïde.

En prenant quelques mesures pour préserver un microbiote sain, il est possible de limiter les effets des dysfonctionnements thyroïdiens et de promouvoir une meilleure santé globale. Les études citées démontrent que le microbiote n’est pas un spectateur passif de notre santé, mais un moteur actif capable d’influencer la régulation hormonale, l’immunité et même la progression de maladies auto-immunes.

Alors que des traitements probiotiques spécifiques et des approches alimentaires personnalisées se profilent à l’horizon, le champ des possibles reste immense : quel est le microbiote optimal pour soutenir une thyroïde affaiblie ? Pouvons-nous inverser les dommages causés par une dysbiose chronique ? Comment intégrer ces avancées à une prise en charge globale et individualisée des personnes ?

Ces questions illustrent non seulement le potentiel thérapeutique encore inexploité, mais aussi l’urgence de considérer chaque patient et être humain dans sa globalité, au-delà des symptômes isolés. S’appuyer sur les avancées récentes, tout en restant à l’écoute des signaux que le corps envoie, représente une voie passionnante et profondément humaine pour rétablir l’équilibre.

Vous pouvez télécharger ici mon PDF gratuit sur les troubles thyroïdiens.

Pour rappel : je ne suis ni médecin, ni pharmacien. Un conseil en naturopathie ou phytothérapie ne remplace pas un avis médical. Ces informations sont fournies à titre indicatif et pédagogique.

Probiotique microbiote

Références

(1) Zhang J, Zhang F, Zhao C, Xu Q, Liang C, Yang Y, Wang H, Shang Y, Wang Y, Mu X, Zhu D, Zhang C, Yang J, Yao M, Zhang L. Dysbiosis of the gut microbiome is associated with thyroid cancer and thyroid nodules and correlated with clinical index of thyroid function. 2019 Jun;64(3):564-574. doi: 10.1007/s12020-018-1831-x. Epub 2018 Dec 24. PMID: 30584647.

(2) Su X, Zhao Y, Li Y, Ma S, Wang Z. Gut dysbiosis is associated with primary hypothyroidism with interaction on gut-thyroid axis. Clin Sci (Lond). 2020 Jun 26;134(12):1521-1535. doi: 10.1042/CS20200475. PMID: 32519746.

(3) Yan K, Sun X, Fan C, Wang X, Yu H. Unveiling the Role of Gut Microbiota and Metabolites in Autoimmune Thyroid Diseases: Emerging Perspectives. Int J Mol Sci. 2024 Oct 10;25(20):10918. doi: 10.3390/ijms252010918. PMID: 39456701; PMCID: PMC11507114.

(4) Virili C, Fallahi P, Antonelli A, Benvenga S, Centanni M. Gut microbiota and Hashimoto’s thyroiditis. Rev Endocr Metab Disord. 2018 Dec;19(4):293-300. doi: 10.1007/s11154-018-9467-y. PMID: 30294759.

(5) Jiang W, Lu G, Gao D, Lv Z and Li D (2022) The relationships between the gut microbiota and its metabolites with thyroid diseases. Endocrinol. 13:943408. doi: 10.3389/fendo.2022.943408