Douleurs d'endométriose
Selon la Médecine Traditionnelle Chinoise
Tout a commencé par une observation dans ma routine anti douleurs d’endométriose : j’ai arrêté mes séances d’acupuncture avec ma sage-femme formée en Médecine Traditionnelle Chinoise depuis plusieurs mois, et mes douleurs sont revenues, intenses et invalidantes, m’empêchant de travailler certains jours et me contraignant à rester alitée.
Pendant huit mois, une séance d’acupuncture par mois avait presque complètement fait disparaître mes dysménorrhées. Dès le troisième mois, j’ai constaté une nette amélioration, et au fil des séances, les symptômes ont totalement disparu, grâce aussi à un travail sur mon hygiène de vie. À cette époque, je randonnais également beaucoup, ce qui facilitait la circulation de l’énergie et le drainage des liquides corporels.
J’ai toujours pensé avoir une congestion sanguine et une constriction pelvienne, car l’un de mes grands soulagements est de prendre de l’aspirine. Bien que cette molécule soit généralement contre-indiquée pour les femmes pendant leurs règles, elle devient une alliée précieuse si vos saignements sont peu abondants et que votre sang est déjà oxydé (de couleur marron). Parfois, la chimie est nécessaire et bienvenue. Un autre allié a été l’Antadys, ou flurbiprofène, également très efficace. Voire même magique dans les montages russes de la souffrance ! Ma compagne de dix ans fut également la pilule en continu, que j’ai finalement arrêtée à cause de ses effets secondaires importants (prise de poids, absence de libido, état dépressif, troubles de l’humeur…).
Certains jours douloureux, comme aujourd’hui, je repense avec nostalgie à cette période où les souffrances étaient moindres, même si ma santé en avait pâti. Après avoir pesé le pour et le contre, j’ai fait mon choix. J’ai décidé d’arrêter cette pilule en continu. Mais revenons à nos moutons… Cette petite digression illustre les nombreuses solutions anti-douleurs, chimiques et naturelles, que j’ai expérimentées. Parmi elles, une s’est révélée être une véritable révélation : l’acupuncture ! Alors je me suis penchée sur la vision de l’endo selon la MTC. Et le concept de « stagnation de sang » m’a tellement parlé ! C’est exactement ce que je ressens dans mon corps !
Analyse des douleurs d’endométriose selon la MTC
La Médecine Traditionnelle Chinoise offre une perspective unique sur les douleurs d’endométriose, en se concentrant sur l’harmonisation des déséquilibres énergétiques et des dysfonctionnements des organes. En traitant la stagnation du sang et en rééquilibrant le Qi et les organes internes, la MTC vise à soulager les symptômes et à améliorer la qualité de vie des femmes atteintes de cette condition. Alors partons à la découverte de l’endo selon la MTC si vous le voulez bien. N’étant pas praticienne en MTC, cet article est une vulgarisation de concepts complexes qui nécessitent des années d’appropriation et de maitrise. Mais cela nous donne une base de compréhension.
Plutôt que de se concentrer uniquement sur des diagnostics structurels comme en médecine occidentale, la MTC examine les déséquilibres énergétiques et les dysfonctionnements des organes internes pour expliquer et traiter cette condition :
Concept de Stagnation du Sang
Selon la MTC, l’endométriose est principalement attribuée à la stagnation du sang (Xue Yu). La stagnation du sang est une condition où le sang ne circule pas correctement, ce qui peut entraîner des douleurs, des masses et des problèmes menstruels. Cette stagnation peut être due à plusieurs facteurs:
Stagnation du Qi : Le Qi (énergie vitale) doit circuler librement pour que le sang puisse aussi circuler librement. Une stagnation du Qi, souvent causée par le stress, peut conduire à une stagnation du sang.
Froid : L’exposition au froid, que ce soit à travers un environnement froid ou la consommation d’aliments froids, peut entraîner une stagnation du sang en ralentissant sa circulation.
Chaleur : Paradoxalement, un excès de chaleur peut aussi causer la stagnation du sang en asséchant les liquides corporels nécessaires pour une bonne circulation sanguine.
Déséquilibre des Organes
La MTC considère également que les déséquilibres dans certains organes peuvent contribuer aux douleurs d’endométriose :
Foie : Le foie régule la circulation du sang et du Qi. Un foie stagnant ou en surchauffe peut causer une stagnation du sang.
Rate : La rate gouverne le sang et son incapacité à bien transformer et transporter les nutriments peut conduire à une stagnation du sang et une accumulation de Phlegme.
Reins : Les reins sont responsables de la reproduction et de la santé génésique. Une faiblesse des reins peut entraîner des déséquilibres hormonaux et la formation de masses.
Prise en charge des douleurs d’endométriose en MTC
Le traitement des douleurs d’endométriose en MTC implique l’utilisation de plantes de la pharmacopée chinoise bien spécifiques, l’acupuncture et la modification du mode de vie pour rétablir l’équilibre du corps. Les stratégies thérapeutiques peuvent inclure :
Débloquer la Stagnation du Sang : Utilisation de formules à base de plantes comme Tao Hong Si Wu Tang ou Ge Xia Zhu Yu Tang pour améliorer la circulation du sang. S’il y a Stase de Sang du Foie :
• Sang menstruel foncé avec caillots
• Crampes importantes augmentées par la pression ou après le passage de caillot
• Douleurs fixes possibles
• Peut être associé aux fibromes ou aux douleurs d’endométriose.
Régulation du Qi : Acupuncture sur des points comme Liver 3 (Taichong) et Ren 6 (Qihai) pour réguler la circulation du Qi.
S’il y a Stagnation de Qi du Foie :
• Humeur instable
• Tendance à la constipation ou crampes menstruelles
• Contracture musculaires.
S’il y a Vide de Qi de la Rate :
• Sang menstruel pâle et dilué
• Fatigue, surtout physique ou après les repas
• Tendance aux ballonnements et selles molles
• La Rate « ne retient plus le Sang »
S’il y a Vide de Qi des Reins :
• Épuisement
• Urine fréquente
• Faiblesse
Éliminer le Froid et la Chaleur : Utilisation de techniques comme la moxibustion pour éliminer le froid et de plantes refroidissantes pour contrer l’excès de chaleur. S’il y a Feu du Foie :
• Sang menstruel rouge foncé et dense
• Irritabilité, colère
• Menstruations abondantes
• Inflammations intestinales associées (on ne saurait rappeler le lien étroit entre les sphères gynécologiques, digestives et urinaires)
Les plantes occidentales que j’utilise dans mon quotidien selon cette vision de la MTC
N’étant pas du tout formée en pharmacopée chinoise et préférant savoir ce que j’avale, j’ai décidé de trouver des équivalents dans notre pharmacopée européenne. Connaissant les écrits d’Anne Vastel grâce à ma formation chez Floramedicina, j’ai fait l’acquisition de son ouvrage (6) afin de parfaire mes connaissances.
J’utilise dans mon quotidien 4 plantes selon les principes de MTC évoqués plus haut. Je vais vous décrire leurs actions et la manière dont je les prépare. Je vous rappelle de bien vérifier les contre-indications de chaque plante avec des ouvrages sérieux ou sur « l’armoire à plantes » du site AltheaProvence.
1)Achillée millefeuille (Achillea millefolium)
Partie utilisée : sommités fleuries. Préparation: en infusion de la plante fraîche ou sèche. Commencer par des petits dosages car l’infusion peut vite être forte en goût. Débuter à 10g/L jusqu’à 30g/L. Je remarque de mon côté que ce sont des infusions bien dosées qui sont vraiment efficaces. Débuter 2j avant les règles et prendre durant toute la durée des saignements. A raison de 2 à 3 tasses/jour entre les repas. En infusion chaude la plante est plutôt circulatoire, mais elle peut également être préparée en macération à froid pendant 4 à 6h. A utiliser d’ailleurs à froid si bouffées de chaleur.
Saveur et nature : amère, âcre, aromatique, astringente. Certains auteurs la place du côté des refroidissante (A. Vastel), d’autres réchauffante (C.Bernard). Pour ma part je la trouve très aromatique et plutôt réchauffante.
– Anne Vastel nous explique que lors d’un Feu de Foie, elle agit sur la surchauffe de celui-ci (ménorragie et métrorragie), elle aide également à arrêter les saignements lors des règles hémorragiques.
– Grâce à cette affinité avec le sang, il est dit qu’elle « ouvre les capillaires et redirige la circulation
sanguine dans son axe sain« , par exemple lors d’une hémorragie par blessure, le sang est redirigé pour diminuer le saignement.
– Lors d’une Stase de Sang, elle remet le sang en mouvement (menstruations qui tardent, caillots durant les règles, hémorroïdes).
– Particulièrement efficace pour ses propriétés anti-inflammatoires et circulatoires, Christophe Bernard nous explique : « Sa partie aromatique ainsi que ses coumarines en font une excellente plante chaude et circulatoire. En tant qu’astringente et riche en flavonoïdes, elle redonnera de la structure aux tissus veineux flasques et aux muqueuses enflammées et aura un effet asséchant » (7).
2)Gingembre (Zingiber officinale)
Partie utilisée: rhizome frais. Préparation: pour ma part je râpe les rhizomes fraichement acheté en magasin bio (c’est mieux si c’est bio pour toutes les racines, car elles captent tout dans la terre) et je les prépare en infusion. Je commence à 5g/L. On peut monter jusqu’à 10g/L. La plante est assez piquante et très aromatique donc il faut doser en fonction de sa sensibilité. Débuter 2j avant les règles et prendre durant toute la durée des saignements. A raison de 2 à 3 tasses/jour entre les repas. Saveur et nature : épicée, aromatique, réchauffante et circulatoire (de l’intérieur vers les extrémités). On sent vraiment cette sensation et les différentes sensibilités conditionneront votre dosage optimal en fonction de votre « niveau de froid ».
– Le gingembre est très riche en huiles essentielles et donc très aromatique. Son côté réchauffant va parcourir tout le système digestif et agir afin de redonner de l’énergie, remettre le Qi en circulation. Particulièrement efficace si vos règles s’accompagnent de sensation de froid aux extrémités (au passage, peut-être faire vérifier sa thyroïde 😉 ). Le gingembre va générer un mouvement yang, vers l’extérieur. Il disperse, évacue. Il engendre un mouvement plus actif, perceptible.
– Anne Vastel nous précise que le gingembre frais (sheng jiang) est beaucoup moins Yang que le gingembre sec (gan jiang). Il convient mieux aux personnes qui pourraient « surchauffer » (tout dépend de votre capacité de thermorégulation). Christophe Bernard précise : « Basé sur ce profil énergétique, en médecine ayurvédique il est mieux toléré par la constitution Kapha (froideur et humidité) que la constitution Pitta (chaleur) ou Vata (sécheresse) » (8).
– Christophe Bernard résume très bien son action : « En tant que plante réchauffant et circulatoire, le gingembre peut dissiper les conditions de congestion, en particulier de l’utérus. Le gingembre soulage les crampes de la dysménorrhée et les douleurs associées aux fibromes utérins ainsi qu’à l’endométriose. Il est particulièrement efficace lorsque la personne a une sensation de froid sur le ventre. Il s’associe très bien à l’achillée millefeuille » (8).
3)Angélique (Angelica archangelica)
Partie utilisée: racines sèches. Préparation: la racine se prépare en décoction, débuter à froid et faire mijoter 3 à 5g de racines sèches pour 250ml d’eau pendant 2min à couvert, laisser reposer 15min et boire 2 à 3 tasses/j à distance des repas. Saveur et nature : aromatique et doux, amer et acre, réchauffante et asséchante (lorsque stagnation de fluide). Précaution: l’angélique est une plante oestrogénique, se renseigner sur ses contre-indications.
– En MTC l’angélique est une plante très prisée pour les troubles féminins. Elle est largement utilisée pour nourrir et tonifier le sang, ce qui est très intéressant au quotidien pour accompagner les troubles associés à une déficience sanguine, tels que l’anémie, la fatigue, et la pâleur.
– L’angélique favorise la circulation du sang (9), ce qui aide à résoudre les stases de sang souvent responsables de douleurs et de masses abdominales. Elle possède des propriétés analgésiques qui aident à atténuer les douleurs menstruelles et les douleurs liées à la stase de sang.
– Elle est souvent incluse dans des formules telles que « Si Wu Tang », une décoction classique utilisée pour nourrir le sang et réguler la menstruation, souvent modifiée pour inclure des herbes qui brisent la stase de sang. L’angélique, en tant que tonifiant sanguin et activateur de la circulation, est très efficace pour soulager les douleurs menstruelles. Elle agit en nourrissant le sang et en facilitant son flux, réduisant ainsi les crampes et les douleurs.
– Elle est une composante clé de la formule « Dang Gui Si Ni Tang », qui est utilisée pour réchauffer les canaux et disperser la stase de sang, particulièrement bénéfique pour les douleurs menstruelles aggravées par le froid (10).
4)Romarin (Rosmarinus officinalis)
Partie utilisée: sommités fleuries et feuilles, les jeunes pousses peuvent être utilisées entières. Préparation: infusion de la plante fraiche ou sèche. Le romarin est très, très aromatique dans un premier temps, et ensuite arrive l’amertume qui reste en bouche. Son goût et sa qualité de séchage vont conditionner sa puissance et donc votre sensibilité à la plante. Le dosage va dépendre de cette sensibilité et pourra débuter à 10g/L jusqu’à 25g/L. Infuser à couvert pour que les propriétés aromatiques ne s’évaporent pas. Infuser de 3 à 15min. Saveur et nature: aromatique, amer, asséchant, réchauffant, astringent.
J’aime le Romarin pour son action d’accompagnement globale, à la fois sur les douleurs, l’esprit, le foie et le système digestif.
- Stimule le Qi et renforce le Yang : le romarin revitalise et tonifie le corps, surtout en cas de fatigue et de faiblesse générale associée aux douleurs d’endo.
- Améliore la circulation sanguine : il est réputé pour favoriser la circulation sanguine et peut être utilisé pour traiter des conditions liées à la stagnation du sang. Anne Vastel précise « Le romarin augmente la circulation du sang dans les capillaires, ce qui stimule l’irrigation du cerveau, diminue temporairement les étourdissements et les vertiges, bonifie l’acuité visuelle et réchauffe le corps surtout lorsque les extrémités sont froides » (6).
- Calme l’esprit : il est employé pour ses effets bénéfiques sur le mental, aidant à clarifier l’esprit et redonner du peps dans les périodes où vous vous sentez complètement à plat. « Sa spécificité est la rapidité de son action: quelques minutes seulement après la prise, la personne voit sa concentration et sa mémoire s’améliorer, son activité cérébrale s’éveiller… mais cet effet pétillant et réchauffant ne dure pas. Le romarin active le Yang, lui donne « un coup de fouet« mais ne le nourrit pas en profondeur » ajoute Anne Vastel (6). On évitera à ce titre de le consommer le soir, surtout si l’on est sujet à des troubles du sommeil, car il peut être excitant.
- Soulage les douleurs musculaires et articulaires : grâce à ses propriétés anti-inflammatoires et analgésiques, il peut accompagner les femmes dont l’endo provoque des douleurs musculaires et articulaires.
- Favorise la digestion : il aide à stimuler la digestion et peut aider lorsque des ballonnements et des gaz s’ajoutent aux douleurs menstruelles. C’est également un dépuratif doux (11).
Encore une fois, avant de vous lancer dans la consommation de plantes dans votre quotidien, veillez à consulter des ouvrages et des sites de référence afin d’être au clair sur les contre-indications de chaque plante en fonction de votre condition.
Pour rappel : je ne suis ni médecin, ni pharmacien. Un conseil en phytothérapie ne remplace pas un avis médical. Ces informations sont données à titre informatif.
Petite remarque de la fin: les plantes agissant sur le cycle féminin doivent être prises sur minimum 3 cycles avant de pouvoir conclure sur leur utilité dans votre problématique menstruelle 😉 !
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Références
- Chen, J. K., & Chen, T. T. (2004). « Chinese Medical Herbology and Pharmacology ». Art of Medicine Press. Ce livre fournit des détails sur les herbes utilisées pour traiter la stagnation du sang et d’autres déséquilibres.
- Maciocia, G. (2005). « Obstetrics and Gynecology in Chinese Medicine ». Churchill Livingstone. Maciocia explique les fondements de la MTC dans le traitement des troubles gynécologiques, y compris l’endométriose.
- Flaws, B. (1992). « Endometriosis, Infertility and Traditional Chinese Medicine: A Laywoman’s Guide ». Blue Poppy Press. Bruce Flaws explore les approches de la MTC pour l’endométriose et propose des traitements basés sur des cas cliniques.
- Lin Y, Wu L, Zhao R, Chung PW, Wang CC. Chinese Herbal Medicine, Alternative or Complementary, for Endometriosis-Associated Pain: A Meta-Analysis. Am J Chin Med. 2023;51(4):807-832. doi: 10.1142/S0192415X23500386. Epub 2023 Apr 29. PMID: 37120704.
- Flower A, Liu JP, Lewith G, Little P, Li Q. Chinese herbal medicine for endometriosis. Cochrane Database Syst Rev. 2012 May 16;(5):CD006568. doi: 10.1002/14651858.CD006568.pub3. PMID: 22592712.
- Vastel A., Chagnon S., Médecine Traditionnelle Chinoise – Plantes médicinales occidentales, Editions Guy Trédaniel, 2020.
- L’Achillée millefeuille (Achillea millefolium) (altheaprovence.com)
- Le gingembre (Zingiber officinale) : anti-inflammatoire et circulatoire (altheaprovence.com)
- Angélique (Angelica archangelica) (altheaprovence.com)
- Bases de la Médecine Chinoise, module Floramedicina de la formation d’Herboriste-thérapeute: Bases de la médecine chinoise | FloraMedicina
- Romarin (Salvia rosmarinus) : grand tonique, dépuratif et protecteur (altheaprovence.com)