Hormonothérapie, ménopause et féminité
Le rôle clé de l’huile d’onagre pour le confort intime
Cet été, j’ai vécu une scène digne d’un conte de fée. J’étais invitée chez un ami d’un ami, dans une maison qui respire la passion des plantes. Son jardin, soigneusement conçu, ressemble à un jardin botanique miniature, chaque parcelle racontant une histoire, chaque plante semblant à sa juste place, jusqu’à l’installation même d’une bambouseraie !
Vers 21h15, alors que nous étions à table, le maître des lieux s’exclame (comme s’il s’agissait d’un rendez-vous attendu) : « C’est l’heure de l’ouverture des onagres. » Je n’ai d’abord pas compris. Moi qui pensais bien connaître le monde végétal, je n’avais jamais entendu que ces fleurs avaient un rythme aussi précis, une sorte de rituel nocturne. Chronométré. Millimétré. Son nom anglais aurait pourtant dû me mettre la puce à l’oreille: Evening primrose.
Alors nous sommes allés au jardin et nous avons observé. Et là, en silence, les boutons d’onagre, serrés sur eux-mêmes, se sont mis à se déployer. En l’espace de quelques secondes, ils se sont ouverts avec une grâce étonnante, offrant leurs pétales jaunes lumineux à la nuit naissante. Une par une, comme une chorégraphie parfaitement réglée, les fleurs se sont dévoilées devant mes yeux émerveillés. Un moment suspendu, magique, où le végétal semblait nous rappeler que la beauté est aussi affaire de régularité et de patience.
Ce spectacle m’a profondément marquée et m’a donné envie d’écrire sur l’onagre, une plante que j’utilise de plus en plus dans mes accompagnements en ménopause et en cancérologie, notamment dans le contexte des hormonothérapies. Et je dois le dire : les résultats sont souvent remarquables. En quelques semaines, certaines femmes me rapportent une nette amélioration de leur confort intime, moins de sécheresse vaginale, une meilleure tolérance aux rapports, et plus globalement, un mieux-être ressenti.
L’huile d’onagre, un trésor pour les muqueuses
L’huile d’onagre (Oenothera biennis), issue de la pression à froid des graines, est une source exceptionnelle d’acides gras polyinsaturés. Elle contient environ 70 à 75 % d’acide linoléique (oméga-6) et 8 à 10 % d’acide gamma-linolénique (GLA), un acide gras rare que l’on retrouve dans très peu de plantes (notamment la bourrache).
Ce GLA est converti dans l’organisme en prostaglandines de type 1 (PGE1), des molécules ayant un rôle clé dans la modulation de l’inflammation, la régulation de la fluidité membranaire et le maintien de l’élasticité des tissus (1). Autrement dit, l’onagre agit de l’intérieur comme de l’extérieur pour soutenir l’intégrité des muqueuses et restaurer leur confort.
Hydratation et confort des muqueuses
L’une des plaintes les plus fréquentes en ménopause ou sous hormonothérapie est la sécheresse vaginale, souvent accompagnée de brûlures, de démangeaisons, ou de micro-lésions douloureuses. Cette fragilité résulte directement de la chute des œstrogènes, qui entraîne un amincissement de l’épithélium vaginal et une réduction de la lubrification naturelle.
Appliquée localement, l’huile d’onagre agit comme un baume réparateur. Sa richesse en acides gras nourrit les membranes cellulaires, redonne de la souplesse et limite les sensations de tiraillement (5). En usage régulier, elle permet de retrouver un tissu vaginal plus souple, mieux hydraté et plus résistant aux frottements. Certaines femmes témoignent d’une amélioration en quelques semaines seulement, avec un retour de la confiance et d’une sexualité plus sereine.
Son usage peut se faire sous forme :
- d’ovules vaginaux prêts à l’emploi (disponibles en pharmacie ou préparés en laboratoire spécialisé),
- d’application douce à la pipette (2 à 3 ml d’huile bio insérés avant le coucher, 2 à 3 fois par semaine),
- de mélanges personnalisés (huile d’onagre associée à d’autres huiles végétales comme la rose musquée ou l’amande douce, voire enrichie de probiotiques vaginaux pour un effet global). Je vous propose une recette d’ovules maison un peu plus bas.
Je complète systématiquement mon conseil de cette application locale par une cure de capsules d’huile d’onagre en interne. Explications ci-dessous…
Un effet anti-inflammatoire naturel
Au-delà de l’hydratation, l’onagre agit en profondeur grâce au GLA, qui module les réactions inflammatoires excessives (2) (3). Dans les tissus intimes, où l’inflammation chronique est fréquente (irritations, mycoses récidivantes, micro-fissures), l’effet est apaisant.
Les prostaglandines de type 1 issues du GLA favorisent :
- une diminution de l’inflammation locale,
- une meilleure microcirculation,
- une réduction des sensations d’échauffement ou de brûlure.
De ce fait, l’onagre contribue à restaurer un climat intime plus serein, et facilite une reprise progressive des rapports sexuels dans de meilleures conditions. Pour beaucoup de femmes, c’est une clé pour briser le cercle douleur → appréhension → évitement → isolement, et retrouver une intimité épanouie.
Un soutien hormonal indirect et sécurisé
La grande force de l’onagre est de ne pas interagir directement avec les récepteurs hormonaux. Elle ne contient pas de phyto-œstrogènes ni de composés mimant l’action des hormones (4). Cela en fait une option sécurisée pour les femmes sous hormonothérapie anti-œstrogénique (tamoxifène, inhibiteurs de l’aromatase).
Son action est dite indirecte : en rééquilibrant la balance lipidique et en favorisant la production de médiateurs anti-inflammatoires, elle contribue à atténuer certains symptômes liés à la carence hormonale, sans modifier l’efficacité du traitement oncologique.
Certaines études (cf biblio plus bas) suggèrent même que la consommation régulière de GLA améliore la tolérance des patientes à long terme, en réduisant la sévérité de la sécheresse vaginale, de la sécheresse cutanée et des troubles articulaires.
Études sur l’huile d’onagre et le Tamoxifène
J’ai creusé et spécifiquement trouvé quelques études prouvant la compatibilité de l’onagre et de l’hormonothérapie, ici le Tamoxifène, où son action est même améliorée grâce à la plante:
Abd-Alhaseeb et al. (2022) : cette étude a démontré que l’huile d’onagre améliore l’activité anticancéreuse du tamoxifène contre les cellules de cancer du sein en induisant l’apoptose, en inhibant l’angiogenèse et en arrêtant le cycle cellulaire. (6)
Arsic et al. (2023) : cette étude randomisée contrôlée a suggéré que la combinaison de l’huile de poisson et de l’huile d’onagre pourrait améliorer l’efficacité du tamoxifène en réduisant les cytokines inflammatoires chez les patientes atteintes de cancer du sein sous chimiothérapie. (7)
Kenny et al. (2001) : cette étude a examiné l’effet du GLA, un acide gras présent dans l’huile d’onagre, en combinaison avec le tamoxifène sur la croissance tumorale, l’expression des récepteurs hormonaux et le profil des acides gras dans des xénogreffes de cancer du sein. (8)
Une action globale via la voie orale
En complément alimentaire, l’huile d’onagre est proposée sous forme de capsules, généralement dosées entre 500 mg et 1 g. Une posologie courante selon les laboratoires varie de 2 à 6 capsules par jour (soit 1 à 3 g), souvent en cure de plusieurs mois.
Mes conseils d’utilisation : 2g/jour à prendre le soir, hors période des règles. Cure d’au moins 3 mois, à renouveler selon le bien-être ressenti.
Les bénéfices rapportés par voie interne dépassent le seul confort intime :
- Peau : meilleure hydratation, élasticité accrue, diminution des démangeaisons et de l’eczéma sec.
- Glaire cervicale : plus fluide. Surtout si vous faites une cure en pré-ovulatoire (de la fin des règles jusqu’à l’ovulation).
- Cheveux et ongles : plus résistants, moins cassants.
- Articulations : réduction de la raideur et de la douleur, grâce à l’effet anti-inflammatoire systémique.
- Bien-être global : certaines femmes ressentent une amélioration de leur vitalité et une atténuation de la fatigue chronique.
Précautions d’usage
- Qualité : choisir une huile bio, vierge, de première pression à froid, conditionnée en flacon opaque ou en capsules résistantes à l’oxydation. La conserver au réfrigérateur est essentiel pour préserver ses propriétés.
- Usage interne : bien que très sûre, il est recommandé de demander un avis médical avant une cure, notamment en cas d’antécédents d’épilepsie ou de traitement anticoagulant.
- Usage local : très bien toléré, mais comme toute huile végétale, un test cutané préalable peut être fait sur le pli du coude.
Recette maison : ovules vaginaux à l’huile d’onagre
Si comme moi vous aimez fabriquer vos remèdes maison, voici quelques informations pratiques pour la fabrication d’ovules. Les ovules vaginaux sont une manière douce et efficace d’apporter directement aux muqueuses les bienfaits de l’huile d’onagre, en association avec des corps gras protecteurs et régénérants. Voici une méthode simple pour les réaliser chez soi:
Ingrédients de base
- Beurre de cacao bio : 50 %
- Riche en acides gras saturés et antioxydants naturels, il apporte consistance, protège les muqueuses et fond parfaitement à la température du corps.
- Huile d’onagre (vierge, bio, première pression à froid) : 50 %
- Nourrissante, assouplissante, anti-inflammatoire, idéale pour restaurer le confort intime.
Étapes de préparation
- Peser vos ingrédients : par exemple, 10 g de beurre de cacao et 10 g d’huile d’onagre pour obtenir une petite dizaine d’ovules.
- Faire fondre doucement au bain-marie le beurre de cacao. Une fois liquide, retirer du feu et ajouter l’huile d’onagre. Bien mélanger sans surchauffer (le GLA est sensible à la chaleur).
- Verser le mélange encore liquide dans de petits moules :
- moules spécifiques en forme d’ovules (en pharmacie ou sur internet),
- ou à défaut, petits moules en silicone type glaçons.
- Placer au réfrigérateur 1 à 2 heures jusqu’à ce que la préparation durcisse complètement.
- Démouler et conserver les ovules au réfrigérateur, dans une boîte hermétique bien fermée, à l’abri de la lumière et de l’air.
Utilisation
- Introduire 1 ovule au coucher, 2 à 3 fois par semaine, en cure de 1 à 3 mois.
- Laisser fondre naturellement à l’intérieur pendant la nuit.
- En cas de pertes grasses le lendemain, prévoir un protège-slip.
Variantes et synergies possibles
- Huile de rose musquée : quelques gouttes ajoutées au mélange = renforce l’effet cicatrisant et régénérant des tissus fragilisés.
- Huile d’amande douce : apporte une grande douceur, particulièrement intéressante en cas de muqueuses très sensibles ou irritées.
- Probiotiques vaginaux : ouvrir une gélule de probiotiques et l’incorporer au mélange légèrement refroidi avant de verser dans les moules: va aider à réensemencer la flore intime.
Conseils pratiques
- Hygiène : utiliser des ustensiles parfaitement propres et désinfectés (cuillère, bol, moules).
- Test préalable : en cas de terrain très sensible, appliquer d’abord une petite quantité du mélange sur la peau (pli du coude) pour vérifier l’absence de réaction.
- Conservation : 1 à 2 mois au réfrigérateur. Au-delà, l’huile d’onagre risque de rancir.
Pour rappel : je ne suis ni médecin, ni pharmacien. Un conseil en herboristerie ou naturopathie ne remplacera jamais un avis médical. Ne suivez jamais les conseils d’un praticien vous recommandant d’arrêter vos traitements.
Vous pouvez télécharger mon PDF gratuit sur l’accompagnement en cancérologie ici.
Références Onagre:
- Timoszuk M, Bielawska K, Skrzydlewska E. Evening Primrose (Oenothera biennis) Biological Activity Dependent on Chemical Composition. Antioxidants (Basel). 2018 Aug 14;7(8):108. doi: 10.3390/antiox7080108. PMID: 30110920; PMCID: PMC6116039.
- Ma R, Chen Q, Li H, Wu S, Lian M, Jin X, Jiang J. Extract of Oenothera biennis L. stem inhibits LPS-induced inflammation by regulating MAPK and NF-κB signaling pathways. Pak J Pharm Sci. 2020 Jul;33(4):1473-1481. PMID: 33583777.
- Roland Knorr, Matthias Hamburger. Quantitative Analysis of Anti-inflammatory and Radical Scavenging Triterpenoid Esters in Evening Primrose Oil. J. Agric. Food Chem., 2004, 52 (11), pp 3319–3324
- ALBERTAZZI, P. Non-estrogenic approaches for the treatment of climacteric symptoms. Climacteric, 2007, vol. 10, no sup2, p. 115-120.
- Blaak J, Staib P. An updated review on efficacy and benefits of sweet almond, evening primrose and jojoba oils in skin care applications. Int J Cosmet Sci. 2022 Feb;44(1):1-9. doi: 10.1111/ics.12758. Epub 2022 Jan 17. PMID: 34957578.
Références Onagre et Tamoxifène:
- Abd-Alhaseeb MM, Massoud SM, Elsayed F, Omran GA, Salahuddin A. Evening Primrose Oil Enhances Tamoxifen’s Anticancer Activity against Breast Cancer Cells by Inducing Apoptosis, Inhibiting Angiogenesis, and Arresting the Cell Cycle. Molecules. 2022 Apr 7;27(8):2391. doi: 10.3390/molecules27082391. PMID: 35458590; PMCID: PMC9031472.
- Arsic A, Krstic P, Paunovic M, Nedovic J, Jakovljevic V, Vucic V. Anti-inflammatory effect of combining fish oil and evening primrose oil supplementation on breast cancer patients undergoing chemotherapy: a randomized placebo-controlled trial. Sci Rep. 2023 Apr 20;13(1):6449. doi: 10.1038/s41598-023-28411-8. PMID: 37081029; PMCID: PMC10119093.
- Frances S. Kenny, Julia M.W. Gee, Robert I. Nicholson, Ian O. Ellis, Teresa M. Morris, Susan A. Watson, Richard P. Bryce, John F.R. Robertson. Effect of dietary GLA+/−tamoxifen on the growth, ER expression and fatty acid profile of ER positive human breast cancer xenografts, March 2001, https://doi.org/10.1002/ijc.1213

