Phytoestrogènes et cancer hormono-dépendant

Aujourd’hui, associer phytoestrogènes et cancer dans la même phrase devient presque risqué.

En effet, conseiller des phytoœstrogènes à une femme ayant traversé un cancer hormonodépendant, c’est s’exposer aux critiques d’une partie du corps médical, résolument opposée à cette approche. Pourtant, il existe une manière plus fine, plus mesurée, d’utiliser cet outil, au cas par cas. Je ne prétends pas détenir la vérité absolue ni recommander aveuglément ces substances à tous les consultants que j’accompagne. Mon objectif est d’ouvrir une réflexion, nourrie par des lectures nombreuses et par ce que j’observe au-delà de nos frontières. J’ai soif de découvertes, j’aime sortir du cadre, confronter les idées. La recherche avance chaque jour, et ce sujet mérite d’être exploré avec attention. Le corps humain est un territoire complexe, rempli de mystères. C’est à la fois troublant et captivant.

C’est ainsi que l’on progresse, en dépassant les frontières, en confrontant nos certitudes, et en embrassant la complexité fascinante du vivant.

Comprendre le fonctionnement hormonal d’un cancer hormono-dépendant

Je vais vous donner la définition de l’Institut de Cancérologie Arsène Burny du CHU de Liège car elle résume la subtilité d’action dans ces types de cancers : « Dépendant des hormones. Un cancer est dit hormono-dépendant lorsqu’il est situé dans des tissus corporels sensibles aux hormones sexuelles naturelles, tels que le sein ou l’endomètre de l’utérus, et est stimulé par ces hormones. Un cancer est également qualifié d’hormonosensible ou d’hormono-dépendant lorsque l’action de certaines hormones s’avère efficace pour le combattre.[1] »

Un cancer hormono-dépendant est donc un type de cancer qui se développe et se propage sous l’influence de certaines hormones. Les cancers du sein et de la prostate sont les exemples les plus courants. Ces types de cancers sont dits « hormono-dépendants » parce que leur croissance est stimulée par les hormones sexuelles, principalement les œstrogènes chez les femmes et les androgènes (comme la testostérone) chez les hommes.

Les cellules normales des seins et de la prostate possèdent des récepteurs hormonaux, qui sont comme des antennes capables de capter les hormones circulant dans le sang. Ces récepteurs se lient aux hormones comme l’œstrogène ou la testostérone, ce qui stimule la croissance et la fonction cellulaire normales.

Dans un cancer hormono-dépendant, certaines cellules cancéreuses continuent à exprimer ces récepteurs hormonaux. Par exemple, environ 70 % des cancers du sein sont dits « ER-positifs » (estrogen receptor-positive), ce qui signifie qu’ils expriment des récepteurs pour l’œstrogène. Lorsqu’une hormone se lie à son récepteur sur une cellule cancéreuse, cela peut activer une série de signaux à l’intérieur de la cellule, encourageant sa division et sa multiplication.

Contrairement aux cellules normales, les cellules cancéreuses ne respectent pas les mécanismes de régulation qui limitent la croissance cellulaire. Ainsi, si des hormones comme les œstrogènes ou la testostérone sont présentes en quantité suffisante, elles peuvent stimuler la prolifération des cellules cancéreuses, entraînant la croissance de la tumeur.

Pour traiter ces cancers, les médecins utilisent souvent des thérapies qui bloquent l’effet de ces hormones. Par exemple, les inhibiteurs de l’aromatase sont utilisés pour réduire la production d’œstrogènes chez les femmes ménopausées atteintes de cancer du sein, tandis que les anti-androgènes sont utilisés pour traiter le cancer de la prostate. Ces traitements empêchent les hormones de se lier à leurs récepteurs, ralentissant ainsi la croissance tumorale. (1) (2) (3)

[1] Hormono-dépendant (chuliege.be)

Cellules corps humain

Phytoestrogènes et cancer : mode d’action

Les phytoœstrogènes sont des composés naturels présents dans certaines plantes (isoflavones, lignanes, coumestrans) qui ont une structure chimique similaire à celle des œstrogènes, les hormones sexuelles féminines. En raison de cette similitude, les phytoœstrogènes peuvent interagir avec les récepteurs d’œstrogènes dans le corps humain, imitant ou modifiant l’effet des œstrogènes naturels. Explications…

Interaction avec les récepteurs d’œstrogènes : Les phytoœstrogènes peuvent se lier aux récepteurs d’œstrogènes (ERα et ERβ) dans le corps. Ces récepteurs sont des protéines présentes dans diverses cellules qui, lorsqu’elles sont activées par un œstrogène, déclenchent des réponses biologiques comme la croissance cellulaire ou la régulation des gènes. Les phytoœstrogènes peuvent agir de deux manières :

  • Agonistes partiels : Dans certains cas, ils peuvent imiter l’action des œstrogènes naturels en activant les récepteurs, bien que souvent de manière plus faible. Cela peut être bénéfique, par exemple, en atténuant les symptômes de la ménopause liés à une baisse d’œstrogènes.
  • Antagonistes : Dans d’autres situations, ils peuvent bloquer les récepteurs et empêcher les œstrogènes naturels de se lier, ce qui peut réduire l’activité œstrogénique globale, par exemple, en limitant la stimulation des cellules cancéreuses hormono-dépendantes.

Effet balance : Le mode d’action des phytoœstrogènes dépend fortement des niveaux d’œstrogènes endogènes dans le corps. Chez les personnes ayant des niveaux élevés d’œstrogènes (comme les femmes en pré-ménopause), les phytoœstrogènes peuvent agir principalement comme antagonistes, réduisant l’activité œstrogénique. En revanche, chez celles ayant des niveaux plus faibles (comme les femmes post-ménopausées), ils peuvent agir comme agonistes, fournissant un effet œstrogénique léger.

Influence sur les processus biologiques : Les phytoœstrogènes peuvent influencer une variété de processus biologiques, comme la régulation des gènes, la prolifération cellulaire, et la protection contre l’oxydation, ce qui peut avoir des effets sur la santé cardiovasculaire, neurologique, osseuse, et même réduire certains risques de cancer.(4) (5) (6) (7) (8) (9)

Pour aller plus loin et comprendre l’action des phytoœstrogènes dans notre corps en cas de cancer hormono-dépendants….

Pour comprendre l’action des phytoœstrogènes dans notre corps, il est essentiel de se pencher sur leur interaction avec les récepteurs estrogéniques. Chez les humains, deux types de récepteurs estrogéniques ont donc été identifiés : les récepteurs ERα et ERβ.

Les récepteurs ERα jouent un rôle clé dans la prolifération des cellules, notamment celles du sein, de l’endomètre et des ovaires. Cette prolifération est essentielle pour la croissance et la régénération de ces organes, mais elle peut aussi favoriser le développement de cancers hormonodépendants lorsque ces récepteurs sont sur-stimulés. On estime que plus des deux tiers des cancers du sein sont hormonodépendants, ce qui souligne l’importance de ces récepteurs dans la pathologie. La sur-stimulation des récepteurs ERα peut être attribuée, entre autres, à des perturbateurs endocriniens et à l’obésité, cette dernière étant liée à l’aromatisation des androgènes en estrogènes dans les cellules adipeuses.

En revanche, les récepteurs ERβ ont un rôle protecteur, inhibant la croissance cellulaire excessive induite par les ERα, et contribuent ainsi à la prévention des cancers du sein, de l’endomètre et des ovaires. De plus, les ERβ semblent jouer un rôle protecteur contre le cancer du côlon. Ces récepteurs sont également fortement exprimés dans les os, le système cardiovasculaire et certaines régions du cerveau, notamment celles impliquées dans la mémoire. Ainsi, les substances qui activent les ERβ pourraient avoir des effets bénéfiques sur ces systèmes d’organes. (10) (11) (12)

En résumé, le ratio entre les récepteurs ERα et ERβ dans les tissus détermine la réponse des organes aux phytoœstrogènes. Les tissus riches en ERβ réagissent davantage aux phytoœstrogènes, tandis que ceux dominés par les ERα y sont moins sensibles. Les ERα sont principalement impliqués dans la prolifération cellulaire, tandis que les ERβ jouent un rôle régulateur, limitant les excès de prolifération. Les phytoœstrogènes, bien que faiblement estrogéniques par rapport aux estrogènes naturels ou synthétiques, modulent l’activité hormonale en fonction des niveaux d’estrogènes présents, agissant tantôt comme stimulateurs, tantôt comme régulateurs, selon les besoins du corps.

Cela soulève des questions sur l’utilisation des phytoœstrogènes dans la gestion de ces cancers, car bien qu’ils puissent agir comme modulateurs en concurrence avec les estrogènes naturels ou perturbateurs endocriniens, il est crucial d’adopter une approche prudente en l’absence d’informations précises sur la présence des différents récepteurs. La science suggère que les phytoœstrogènes pourraient avoir un effet bénéfique en prévenant les récidives, mais leur utilisation reste un sujet sensible et complexe, nécessitant une analyse approfondie et nuancée…

Les bénéfices… avec prudence …

Certaines études indiquent que les isoflavones, tels que le genistein trouvé dans le soja, jouent un rôle protecteur contre le développement du cancer, notamment en raison de leur capacité à se lier préférentiellement aux récepteurs ERβ, qui sont associés à des effets antiprolifératifs. Cela pourrait être particulièrement bénéfique dans les cancers du sein où les récepteurs ERβ sont exprimés, car ils peuvent inhiber la prolifération induite par les récepteurs ERα, souvent sur-exprimés dans les cancers hormonodépendants. D’autres recherches suggèrent également que l’effet des phytoestrogènes peut dépendre du ratio entre les récepteurs ERα et ERβ dans les tissus cancéreux, ainsi que de la concentration d’estrogènes endogènes dans le corps. Par exemple, dans des environnements où les estrogènes sont élevés, les phytoestrogènes peuvent agir comme des antagonistes, réduisant ainsi les risques de récidive du cancer. Cependant, leur effet peut varier en fonction des types spécifiques de cancers hormonodépendants et du moment de l’exposition, ce qui rend les recommandations plus difficiles. Et des études cliniques récentes ont examiné l’effet de combiner les phytoestrogènes avec des traitements hormonaux comme le tamoxifène, avec des résultats mixtes. Tandis que certaines combinaisons semblent améliorer l’efficacité du traitement, d’autres peuvent au contraire le diminuer, soulignant l’importance d’une approche personnalisée basée sur le profil hormonal et récepteur de chaque patient. (13)(14)(15)(16)(17)(18)(19)(20)

Les femmes se préoccupent souvent de savoir si elles peuvent consommer des aliments ou des plantes médicinales contenant des phyto-œstrogènes. Ces plantes ont souvent été classées trop rapidement comme œstrogéniques (similaires à l’œstrogène) ou progestéroniques (similaires à la progestérone). Ces classifications visaient à simplifier leurs propriétés mais ne reflétaient pas la complexité de leurs actions ni celle du système hormonal, qui reste encore en partie incompris. Certaines plantes médicinales, souvent qualifiées de « phyto-œstrogéniques » en raison de leurs effets sur le système reproducteur (et les symptômes de la ménopause bien souvent), montrent désormais, grâce à de nouvelles recherches, qu’elles peuvent également influencer d’autres neurotransmetteurs. C’est le cas de l’Actée noire (Actaea racemosa, je vous renvoie d’ailleurs à mon article ici) et du Gattilier (Vitex agnus-castus, je vous renvoie à mon article ici), qui pourraient moduler la dopamine et la prolactine, affectant ainsi les symptômes associés à la baisse des œstrogènes (durant la ménopause), comme les douleurs articulaires, l’insomnie et les bouffées de chaleur. En comprenant mieux les effets des aliments et des plantes médicinales phyto-œstrogéniques, il est possible de faire des choix éclairés qui équilibrent le terrain tout en minimisant les risques, comme la consommation de soja fermenté ou d’infusions de trèfle rouge (Trifolium pratense), par exemple.

Je vous laisse approfondir ce sujet avec tous les articles que vous trouverez en références ci-dessous. J’ai essayé de synthétiser et de vulgariser des notions parfois bien complexes. Les phytoœstrogènes sont particulièrement diabolisés dans l’Hexagone, mais outre-Atlantique on observe des pratiques beaucoup plus ouvertes, des expérimentations où les plantes peuvent être des alliées dans le système de soin et où les oncologues s’y intéressent ! Phytoestrogènes et cancer ne sont pas incompatibles. 

Pour rappel : je ne suis ni médecin, ni pharmacien. Un conseil en phytothérapie ne remplace pas un avis médical. Ces informations sont données à titre informatif.

Vous pouvez télécharger mon PDF gratuit sur l’accompagnement en cancérologie ici.

Phytoestrogènes et cancer : le cas du soja

Références phytoestrogènes et cancer

Les 3 vidéos du Docteur Jean-Loup Mouysset sur Youtube autour de l’hormonothérapie :

Qu’est-ce qu’un cancer hormono dépendant ? | Fondation ARC pour la recherche sur le cancer (fondation-arc.org)

Les différents types de cancer du sein | Centre Léon Bérard (centreleonberard.fr)

(1) Schnitt SJ. Classification and prognosis of invasive breast cancer: from morphology to molecular taxonomy. Mod Pathol. 2010 May;23 Suppl 2:S60-4. doi: 10.1038/modpathol.2010.33. PMID: 20436504.

(2) Lonergan PE, Tindall DJ. Androgen receptor signaling in prostate cancer development and progression. J Carcinog. 2011;10:20. doi: 10.4103/1477-3163.83937. Epub 2011 Aug 23. PMID: 21886458; PMCID: PMC3162670.

(3) Ali S, Coombes RC. Endocrine-responsive breast cancer and strategies for combating resistance. Nat Rev Cancer. 2002 Feb;2(2):101-12. doi: 10.1038/nrc721. PMID: 12635173.

(4) Canivenc-Lavier MC, Bennetau-Pelissero C. Phytoestrogens and Health Effects. 2023 Jan 9;15(2):317. doi: 10.3390/nu15020317. PMID: 36678189; PMCID: PMC9864699.

(5) Cederroth CR, Nef S. Soy, phytoestrogens and metabolism: A review. Mol Cell Endocrinol. 2009 May 25;304(1-2):30-42. doi: 10.1016/j.mce.2009.02.027. Epub 2009 Mar 9. PMID: 19433245.

(6) Sirotkin AV, Harrath AH. Phytoestrogens and their effects. Eur J Pharmacol. 2014 Oct 15;741:230-6. doi: 10.1016/j.ejphar.2014.07.057. Epub 2014 Aug 23. PMID: 25160742.

(7) Safe SH, Pallaroni L, Yoon K, Gaido K, Ross S, Saville B, McDonnellc D. Toxicology of environmental estrogens. Reprod Fertil Dev. 2001;13(4):307-15. doi: 10.1071/rd00108. PMID: 11800169.

(8) Gorzkiewicz J, Bartosz G, Sadowska-Bartosz I. The Potential Effects of Phytoestrogens: The Role in Neuroprotection. 2021 May 16;26(10):2954. doi: 10.3390/molecules26102954. PMID: 34065647; PMCID: PMC8156305.

(9) Domańska A, Orzechowski A, Litwiniuk A, Kalisz M, Bik W, Baranowska-Bik A. The Beneficial Role of Natural Endocrine Disruptors: Phytoestrogens in Alzheimer’s Disease. Oxid Med Cell Longev. 2021 Sep 3;2021:3961445. doi: 10.1155/2021/3961445. PMID: 34527172; PMCID: PMC8437597.

(10) Allred DC. Issues and updates: evaluating estrogen receptor-alpha, progesterone receptor, and HER2 in breast cancer. Mod Pathol. 2010 May;23 Suppl 2:S52-9. doi: 10.1038/modpathol.2010.55. PMID: 20436503.

(11) Heldring N, Pike A, Andersson S, Matthews J, Cheng G, Hartman J, Tujague M, Ström A, Treuter E, Warner M, Gustafsson JA. Estrogen receptors: how do they signal and what are their targets. Physiol Rev. 2007 Jul;87(3):905-31. doi: 10.1152/physrev.00026.2006. PMID: 17615392.

(12) Nilsson S, Gustafsson JÅ. Estrogen receptors: therapies targeted to receptor subtypes. Clin Pharmacol Ther. 2011 Jan;89(1):44-55. doi: 10.1038/clpt.2010.226. Epub 2010 Dec 1. PMID: 21124311.

(13) Wiseman, H. (2000). The therapeutic potential of phytoestrogens. Expert Opinion on Investigational Drugs9(8), 1829–1840. https://doi.org/10.1517/13543784.9.8.1829

(14) Kim, I.-S. Current Perspectives on the Beneficial Effects of Soybean Isoflavones and Their Metabolites for Humans. Antioxidants2021, 10, 1064. https://doi.org/10.3390/antiox10071064

(15) Pejčić, T.; Zeković, M.; Bumbaširević, U.; Kalaba, M.; Vovk, I.; Bensa, M.; Popović, L.; Tešić, Ž. The Role of Isoflavones in the Prevention of Breast Cancer and Prostate Cancer. Antioxidants2023, 12, 368. https://doi.org/10.3390/antiox12020368

(16) Sotoca AM, et al. (2008). « Phytoestrogen-mediated inhibition of proliferation of the human T47D breast cancer cells depends on the ERalpha/ERbeta ratio ». J Steroid Biochem Mol Biol. 112, pp. 171-178.

(17) Vahid Dastjerdi M., et al. (2018). « Effect of Soy Isoflavone on Hot Flushes, Endometrial Thickness, and Breast Clinical as well as Sonographic Features ». Iran J Public Health. 47(3), pp. 382-389.

(18) Duffy C., Perez K., Partridge A. (2007). « Implications of Phytoestrogen Intake for Breast Cancer ». CA: A Cancer Journal for Clinicians ; 57, pp. 260-277.

(19) Leygue E., Murphy LC. (2013, May 30). « A bi-faceted role of estrogen receptor β in breast cancer ». Endocr Relat Cancer. 20(3), pp. 127-139.

(20) Mannella P., et al. (2012, Jan). « Effects of red clover extracts on breast cancer cell migration and invasion ». Gynecol Endocrinol. 28(1), pp. 29-33.

Cet article a 7 commentaires

  1. Cathy

    Bonjour, merci pour cet article très clair et bien référencé.
    N’y a-t-îl pas un risque tout de même si on consommait une forte quantité de soja tous les jours par exemple ? Je pense à une personne pour qui le soja serait la source principale de protéine, qui a ce risque dans les femmes de sa famille, qui mange aussi pas mal de graines de lin…

    1. Bonjour Cathy,

      Merci pour votre lecture attentive et pour votre question très pertinente. Vous mettez le doigt sur un point fondamental : la dose et le contexte biologique dans lesquels on consomme les phytoestrogènes.

      Consommer beaucoup de soja chaque jour (notamment comme principale source de protéines), en plus de graines de lin en grande quantité, dans un terrain familial à risque de cancer hormonodépendant, mérite effectivement réflexion.
      Ce n’est pas tant la nature phytoestrogénique du soja ou des graines de lin qui pose problème en soi — ce sont la forme, la quantité, la transformation du produit, et l’état global du terrain hormonal.

      Ce que montrent les études les plus solides (notamment sur les populations asiatiques), c’est que les isoflavones du soja peuvent avoir un effet protecteur à long terme, surtout si leur consommation commence avant la ménopause. Mais attention : dans ces cultures, on consomme du soja fermenté (comme le miso, le tempeh, le natto), en petites quantités, intégré dans une alimentation globalement très végétale, avec peu de perturbateurs endocriniens dans l’environnement.

      À l’inverse, dans nos modes de vie occidentaux, la problématique est moins le phytoestrogène en tant que tel que la surcharge d’œstrogènes oxydés, souvent due :
      • aux perturbateurs endocriniens (plastiques, pesticides, cosmétiques conventionnels…),
      • à une alimentation inflammatoire,
      • à une mauvaise détox hépatique,
      • ou à un excès de graisse abdominale, qui produit des œstrogènes en continu.

      En réalité, les phytoestrogènes de qualité, consommés de façon raisonnable et dans un contexte sain, peuvent au contraire bloquer les récepteurs contre les œstrogènes plus agressifs — comme ceux générés par les polluants ou les dérivés de synthèse.
      Mais si l’organisme est déjà saturé d’œstrogènes oxydés, ou si le foie ne les élimine pas bien, ajouter beaucoup de phytoestrogènes par-dessus sans régulation peut déséquilibrer davantage.

      Donc pour répondre clairement à votre question :
      Oui, il peut y avoir un risque si le soja est la source principale de protéines, consommé tous les jours en grandes quantités, surtout en version non fermentée (type laits de soja industriels, protéines texturées, tofu ultra-transformé), et sans accompagnement global du terrain hormonal.

      La même prudence s’applique à une consommation excessive de graines de lin broyées si le système d’élimination hormonale (foie, intestins, microbiote) est engorgé.

      Ma recommandation dans ce cas précis serait :
      – Diversifier les sources de protéines végétales (légumineuses, oléagineux, céréales complètes bien associées, spiruline, etc.),
      – Privilégier le soja fermenté, en petite quantité (3 à 5 portions par semaine, par exemple),
      – Garder une portion modérée de graines de lin (1 cuillère à soupe par jour), fraîchement moulues, sur des salades ou dans des soupes,
      – Accompagner tout cela d’un soutien hépatique, d’une alimentation riche en fibres, et d’une hygiène de vie qui réduit l’inflammation et l’exposition aux perturbateurs endocriniens (pratiquer une activité physique et prendre l’air est fondamental).

      C’est l’équilibre global qui fait la différence — pas le soja ou le lin en eux-mêmes. Et comme toujours, la phytothérapie ou l’alimentation fonctionnelle ne peuvent pas être envisagées sans prendre en compte le contexte physiologique, les antécédents familiaux et le mode de vie.

      J’espère que ces précisions vous éclairent !
      N’hésitez pas à continuer la discussion si vous avez d’autres réflexions. C’est exactement pour cela que j’écris ce type d’articles : pour nourrir le discernement et sortir des discours tout faits.
      Bien à vous,
      Laura

  2. Esther

    Bonjour,
    je suis soignée pour un cancer du sein hormonothérapie dépendant, je termine mon traitement herceptine, mais je n’ai pas encore commencé le traitement Tamoxifen recommandé (les effets secondaires me faisant peur.. le foie pas top je préfère le rééquilibrer avant toute chose..)
    Je trouve votre article sur les Phyto oestrogènes intéressant, notre corps est si complexe.. tant de choses encore à découvrir..
    Que pensez-vous de la melatonine végétale à base de luzerne (produit UNAE) ? La melatonine et cancer un sujet qui m’intéresse.. celle-ci serait à base de luzerne , plante contre indiquée en France pour les cancer hormonothérapie dépendant..
    Merci.

  3. Esther

    Cancer hormonodependant à la place « hormonothérapie » , désolée..

  4. Esther

    Bonjour,
    Actuellement soignée pour un cancer hormonodependant, je termine mon traitement herceptine, mais je repousse l’hormonothérapie car le foie n’est pas au top.. je préfère le rééquilibrer avant tout autre traitement.. Tamoxifen ne m’inspirant pas (liste effrayante d’effets secondaires)
    Je trouve votre article sur les Phyto oestrogènes fort intéressant, il y a tant de choses encore à découvrir sur la complexité de notre corps..
    Que pensez-vous de la melatonine végétale UNAE à base de luzerne ? Phyto oestrogène déconseillé en France pour les cancer hormonodependant..
    Merci.

    1. Laura Marilly-Tomasik

      Bonjour Esther,
      Merci pour votre retour et votre lecture. Vous avez raison, notre corps est d’une complexité fascinante, et la recherche continue d’éclairer peu à peu des zones encore très floues.
      Concernant votre question : le laboratoire UNAE est un très bon laboratoire, sérieux et exigeant en termes de qualité.

      Ensuite : même si la mélatonine du produit dont vous parlez a été extraite de la luzerne, il s’agit d’un principe actif isolé. Cela veut dire que la molécule de mélatonine est purifiée et séparée des autres constituants de la plante. Il n’y a donc pas de phyto-oestrogènes dans le produit fini. Vous n’avez pas à craindre d’effet hormonal lié à l’origine végétale.

      La mélatonine reste un sujet très intéressant dans le contexte des cancers, avec des pistes de recherche prometteuses, je vous conseille d’ailleurs la lecture de l’ouvrage du Dr Jean-Loup Mouysset “Oncologie intégrative – Du cancer vers la santé” qui en parle longuement. De mon côté je prépare également un article sur son usage dans le cadre de l’accompagnement des cancers (soins de support), il sera publié dans les prochaines semaines.

      Prenez bien soin de vous,
      Laura

  5. Esther

    Je vous remercie beaucoup pour le temps pris pour me répondre, oui j’ai vu des vidéos sur le docteur Mouysset.. un médecin qui creuse et qui ne campe pas sur d’anciennes pratiques.. la complémentarité dans vos spécialités ne peut être que bénéfique pour nous accompagner dans la maladie..
    Je guetterai votre article, merci !

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