Hypothyroïdie et alimentation
Ce qu'il faut savoir pour soutenir votre thyroïde
Hypothyroïdie et alimentation, voilà un sujet que je pensais avoir bien en main. En entamant cet article, je me suis dit : « Allons-y simplement, récapitulons les bases, présentons quelques listes d’aliments… ».
Mais actualiser ses connaissances est une nécessité, quelle que soit la discipline. J’ai donc fait un détour par PubMed, à la recherche de récentes études. Quelle bonne idée ! Une véritable secousse dans le monde des aliments goitrogènes, à commencer par cet article : Do Brassica Vegetables Affect Thyroid Function? A Comprehensive Systematic Review (2024). Ce qui semblait acquis ne l’est plus. Et par ici: Plant constituents and thyroid: A revision of the main phytochemicals that interfere with thyroid function (2021). Je vous détaille tout cela plus bas.
Vous l’aurez compris, le ton de mon propos se fera plus prudent. Car dans le domaine de la santé, et plus encore lorsqu’il s’agit de l’humain, les certitudes sont rares, voire illusoires.
Mais d’abord petit rappel de définition au sujet de ce qui nous intéresse aujourd’hui : l’hypothyroïdie est une condition qui ralentit le métabolisme en raison d’une production insuffisante d’hormones thyroïdiennes. La glande thyroïde, située à la base du cou, est le chef d’orchestre de nombreux processus corporels : elle influence la régulation du poids, la température corporelle, l’énergie, et même l’humeur. Lorsqu’elle fonctionne au ralenti, des symptômes comme la fatigue, la prise de poids, la sensibilité au froid et la dépression apparaissent. Dans ce contexte, l’alimentation joue un rôle central. Ce que vous mangez peut avoir un impact direct sur votre thyroïde et sur la gestion des symptômes.
Aliments à éviter en cas d’hypothyroïdie
- Les aliments goitrogènes – sont-ils vraiment à éviter ? Nouvelles avancées scientifiques sur le sujet
Alors on commence avec ces fameux aliments goitrogènes. Voilà ce qu’il est communément admis depuis toujours : certains aliments contiennent des substances appelées « goitrogènes », qui interfèrent avec la fonction thyroïdienne en empêchant la fixation de l’iode, un élément essentiel à la production des hormones thyroïdiennes. Ces aliments, lorsqu’ils sont consommés en grande quantité et surtout crus, peuvent aggraver une hypothyroïdie.
- Les crucifères : chou, brocoli, chou-fleur, chou de Bruxelles, navet, kale. Ces légumes contiennent des glucosinolates qui peuvent interférer avec l’absorption de l’iode. La cuisson peut toutefois réduire leur effet goitrogène.
- Le soja et ses dérivés : tofu, lait de soja, tempeh. Le soja contient des isoflavones qui inhibent la peroxydase thyroïdienne, l’enzyme qui permet à la thyroïde d’utiliser l’iode.
- Les graines de lin et le millet : ces aliments sont riches en composés goitrogènes et peuvent perturber la fonction thyroïdienne.
Pourquoi dit-on qu’il faut les éviter ? Les goitrogènes, en bloquant l’assimilation de l’iode, forcent la thyroïde à travailler davantage. Si la thyroïde est déjà en difficulté, cela ne fait qu’aggraver les symptômes. Cependant, consommer des petites quantités de ces aliments cuits réduit considérablement leur potentiel négatif.
Paracelse, encore une fois, avait raison : « Sola docis facit venenum » (traduction : c’est la dose qui va définir si le principe actif est un poison ou un remède)
Les articles dont je vous parle en introduction mettent néanmoins en lumière de nouvelles avancées scientifiques. La dernière étude en date (14) s’est penchée sur les légumes de la famille des brassicacées, largement consommés à travers le monde, en particulier en Amérique du Nord, en Asie et en Europe. Riches en composés soufrés, comme les glucosinolates (GLS) et les isothiocyanates (ITC), ces légumes sont bien connus pour leurs bienfaits sur la santé, mais on les soupçonnait également d’avoir un effet goitrogène, c’est-à-dire de perturber la fonction thyroïdienne.
En suivant les directives PRISMA, cette revue systématique a analysé les résultats de 123 études – in vitro, sur animaux et sur humains – afin d’évaluer l’impact de la consommation de brassicacées sur la thyroïde, notamment chez les personnes présentant des dysfonctionnements thyroïdiens. Elle a examiné plusieurs indicateurs : la taille et l’histologie de la thyroïde, les niveaux sanguins de TSH, T3, et T4, l’absorption d’iode et même l’effet de ces composés sur les cellules cancéreuses de la thyroïde.
Les résultats sont frappants. Contrairement aux idées reçues, la majorité des études montrent que ces légumes n’ont pas d’effets antithyroïdiens chez l’humain. En fait, l’inclusion régulière de brassicacées dans l’alimentation quotidienne, surtout avec un apport suffisant en iode, ne présente aucun risque pour la fonction thyroïdienne. Cela remet donc en cause les anciennes hypothèses et ouvre de nouvelles perspectives sur l’importance de ces légumes dans une alimentation saine et équilibrée.
La seconde étude (13) présente l’intérêt grandissant pour les composants des plantes en raison de leurs propriétés antioxydantes, anti-inflammatoires, antimicrobiennes et antiprolifératives. L’engouement pour ces plantes a considérablement augmenté ces dernières années, tout en soulevant des inquiétudes quant à leurs effets toxiques potentiels, notamment lorsqu’ils sont consommés à fortes doses. Les effets antithyroïdiens de certains constituants des plantes sont connus depuis un certain temps (association causale entre une alimentation de base à base de brassicacées ou de soja et le développement du goitre et/ou de l’hypothyroïdie). L’étude passe en revue les principaux constituants des plantes qui interfèrent avec la fonction thyroïdienne normale, tels que les glucosides cyanogéniques, les polyphénols, les acides phénoliques et les alcaloïdes. Les résultats sont là : les effets antithyroïdiens de ces constituants végétaux ne sont cliniquement évidents que lorsqu’ils sont consommés en très grandes quantités ou lorsque leur ingestion est associée à d’autres conditions qui altèrent la fonction thyroïdienne. Cela veut dire qu’une consommation ponctuelle, modérée et raisonnée de brassicacées (qui sont excellents pour la santé par ailleurs) ne poserait en fait pas de problème, voire serait même bénéfique à notre santé globale. Cela voudrait dire que l’on ne serait plus obligé de chasser de notre assiette ces aliments, sans pour autant en consommer tous les jours !
2. Hypothyroïdie et alimentation : les aliments riches en gluten, quand l’évidence ne l’est pas…
Chez certaines personnes souffrant d’hypothyroïdie, en particulier celles atteintes de thyroïdite d’Hashimoto (auto-immune), le gluten peut déclencher une réaction inflammatoire qui perturbe la fonction thyroïdienne (3). Le gluten – et plus particulièrement la gliadine – protéine présente dans le blé, l’orge et le seigle (entre autres), peut entraîner des fuites intestinales chez ces personnes, exacerbant les déséquilibres hormonaux. Néanmoins d’autres études remettent en cause ce principe (4)(8). Encore une fois, tout va dépendre de la dose ingérée, de l’état intestinal de la personne et de sa sensibilité à la protéine.
Pourquoi l’éviter ? Bien que tout le monde ne soit pas intolérant au gluten, il est recommandé de l’éviter en cas d’Hashimoto, car cette protéine peut provoquer une réponse immunitaire qui attaque la glande thyroïde. J’approfondirai le sujet « Gluten/Thyroïde » dans un article beaucoup plus complet car le thème est très vaste, les implications sur la santé nombreuses, et les résultats d’études contradictoires.
3. Les aliments transformés et riches en sucre
Les aliments riches en sucres raffinés et les produits ultra-transformés créent des pics de glycémie et provoquent une prise de poids, un problème récurrent en cas d’hypothyroïdie. Ces aliments, pauvres en nutriments, augmentent l’inflammation et la fatigue.
Pourquoi les éviter ? L’hypothyroïdie ralentit déjà le métabolisme et encourage la prise de poids. Consommer des aliments transformés amplifie ces effets, aggravant ainsi les symptômes comme la fatigue et le surpoids. Mais là, rien de nouveau à l’horizon, pour une bonne santé générale il faut éviter ces aliments.
4. Hypothyroïdie et alimentation : graisses saturées et trans
Les graisses saturées (viandes grasses, charcuteries, produits laitiers entiers) et les graisses trans (margarines, aliments frits) peuvent perturber l’absorption des médicaments thyroïdiens et altérer la conversion de l’hormone T4 en T3, la forme active de l’hormone thyroïdienne.
Pourquoi les éviter ? Ces graisses ralentissent la fonction thyroïdienne, augmentent les niveaux de cholestérol, et favorisent l’inflammation.
Hypothyroïdie et alimentation : ce qu’il faut privilégier
- Les aliments riches en iode
L’iode est indispensable à la production des hormones thyroïdiennes. Une carence en iode est l’une des causes majeures de l’hypothyroïdie dans certaines régions du monde.
- Les algues marines : varech, nori, dulse. Attention toutefois à ne pas en abuser, car un excès d’iode peut également être néfaste pour la thyroïde (7).
- Le sel iodé : une source facile et contrôlée d’iode, à utiliser avec modération.
- Les poissons de mer : maquereau, morue, hareng.
Pourquoi les privilégier ? L’iode est le carburant dont la thyroïde a besoin pour produire les hormones. Toutefois, il est important de ne pas en consommer en excès, car un trop-plein peut aussi inhiber la production d’hormones.
2. Les aliments riches en sélénium
Le sélénium est un cofacteur essentiel à la conversion de l’hormone thyroïdienne T4 en sa forme active, T3. Il protège également la thyroïde contre les dommages causés par le stress oxydatif.
- Les noix du Brésil : une des meilleures sources naturelles de sélénium. Une à deux noix par jour suffisent pour couvrir les besoins journaliers.
- Les poissons et fruits de mer : thon, crevettes, sardines.
- Les œufs : riches en sélénium et protéines.
Pourquoi les privilégier ? Le sélénium aide à maintenir la santé de la thyroïde et à réduire les dommages inflammatoires.
3. Les aliments riches en zinc
Le zinc est impliqué dans la production de l’hormone TSH (Thyroid Stimulating Hormone) et aide à stabiliser la fonction thyroïdienne.
- Les viandes maigres : poulet, bœuf.
- Les crustacés : huîtres, crabes.
- Les graines de courge : riches en zinc et faciles à intégrer dans l’alimentation.
Pourquoi les privilégier ? Le zinc est crucial pour stimuler la production des hormones thyroïdiennes et soutenir le système immunitaire.
4. Les aliments riches en vitamine D
La vitamine D est indispensable pour la régulation immunitaire. Elle joue un rôle clé chez les personnes atteintes de maladies auto-immunes, comme la thyroïdite d’Hashimoto (ou maladie de Basedow pour le côté hyperT).
- Le saumon, le thon et autres poissons gras.
- Les champignons : en particulier ceux qui sont exposés au soleil.
- Les produits laitiers enrichis : lait, yaourts, fromage. (Attention néanmoins aux intolérances ou sensibilités au lactose, qui peuvent aggraver les pathologies auto-immunes).
Pourquoi les privilégier ? La vitamine D aide à moduler la réponse immunitaire, réduisant ainsi l’inflammation de la thyroïde.
5. Les aliments riches en fibres
Les fibres sont essentielles pour éviter la constipation, un symptôme fréquent en cas d’hypothyroïdie. Elles contribuent à la régulation du métabolisme et à la santé intestinale.
- Les légumes verts : épinards, bette à carde.
- Les céréales complètes : avoine, riz brun, quinoa.
- Les fruits riches en fibres : pommes, poires, baies.
Pourquoi les privilégier ? Une bonne santé intestinale aide à stabiliser le métabolisme et à combattre certains des effets secondaires de l’hypothyroïdie, comme la prise de poids et la fatigue.
En guise de conclusion :
La thyroïde régule le métabolisme de chaque cellule du corps. Lorsque sa fonction est compromise, tout ralentit. L’apport d’iode, de sélénium, de zinc, et de vitamines clés aide à soutenir cette petite glande, tandis que certains aliments peuvent aggraver la situation.
Soutenir la thyroïde par l’alimentation demande donc une approche nuancée, éclairée par les récentes avancées scientifiques. Si certains aliments autrefois diabolisés, comme les crucifères, semblent finalement inoffensifs – voire bénéfiques lorsqu’ils sont consommés de manière modérée – d’autres nécessitent encore prudence, notamment dans des cas spécifiques comme la thyroïdite d’Hashimoto. Il est donc essentiel de rester à l’écoute de son corps, tout en adaptant son régime aux besoins individuels et aux conseils médicaux. N’oublions jamais que l’équilibre est la clé, et que ce que nous consommons doit soutenir, non entraver, la fonction thyroïdienne.
Pour en savoir plus : je vous détaille l’intérêt de tous ces micronutriments pour le fonctionnement thyroïdien dans mes articles sur les bilans sanguins et les cofacteurs.
Pour rappel : je ne suis ni médecin, ni pharmacien. Un conseil en phytothérapie ne remplace pas un avis médical. Ces informations sont données à titre informatif.
Références hypothyroïdie et alimentation
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- Krysiak R, Kowalcze K, Okopień B. Gluten-free diet attenuates the impact of exogenous vitamin D on thyroid autoimmunity in young women with autoimmune thyroiditis: a pilot study. Scand J Clin Lab Invest. 2022 Nov-Dec;82(7-8):518-524. doi: 10.1080/00365513.2022.2129434. Epub 2022 Oct 6. PMID: 36200764.
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